Œuvres textiles, peintures et collages
Peintre, elle a dépouillé la toile de sa peinture pour revenir à ce qu'elle présageait être l'essentiel.
Par une transmutation qui sublime des outils, des matériaux industriels, de seconde main ou de rebut, Sandrine Thiébaud Mathieu produit un art qui se veut social, transclasse, questionnant même l’infraclasse, pour une réconciliation quotidienne au Monde.
Fille et petite-fille d’ouvriers bonnetiers, elle grandit à Troyes, dans les souvenirs d’une ville autrefois prospère, dans la déliquescence des usines textiles, du tissu social où l’intimité même de la famille est ébranlé.
Inconditionnelle de Bonnard et de Rothko, elle éprouve l’incommensurable. C’est la découverte de Pierrette Bloch et celles des écrits de Le Bot, de Bachelard, de Maldiney et leur chère phénoménologie qui bouleversent sa conception de l’art. Elle s’autorise à laisser les choses advenir, sans crainte. Elle sait de ce savoir “autre” qu’elle doit les faire, que les œuvres doivent venir, sous différentes formes, sous différentes techniques.
Son mode d’expression est fait de rétivité, de résistance. Pour cela, elle affectionne les épingles, héritage familial, des milliers d’épingles qu’elle pique les unes à côté des autres dans du tissu, en rangs plus ou moins serrés, bien droits ou ondulants. Elles forcent le tissu, le tordent jusqu’à le maintenir dans son mouvement, suspendu. Parfois, en prémices, des broderies faites main jalonnent le tissu ; des chemins pour guider le piqué des épingles. Transfiguré, le simple petit matériel fait œuvre.
Naissent ainsi des cartographies abstraites dont les titres sont souvent empruntés aux écrits de Bachelard, Arthur H, Borges ou encore Damasio, chez qui elle trouve la justesse des mots. Par résonance toujours, le titre s’impose. L’œuvre nommée devient dès lors tangible. Elle aime cette idée. Parfois le titre fait écho à une actualité car l’œuvre n'y a pas échappé.
Devant l’œuvre de Sandrine Thiébaud Mathieu, le spectateur éprouve la magie de l’alchimie, sous ses yeux, opérante. Le temps du regard, d’un léger déplacement, d’un clignement du soleil, le scintillement métallique des épingles offre à l’œuvre une multiplicité d’être, sans cesse renouvelée.